des services de communication qui s’adaptent au contexte d’usage

La prise en compte du contexte dans l'usage des produits et services constitue aujourd'hui un axe de travail des chercheurs, spécialistes de communication interpersonnelle.
L'analyse des situations vécues par les utilisateurs  tant d'un point de vue  de leur identité, de leur  localisation, de leur activité ou encore de leur temporalité permettra sans aucun doute de doute de construire de nouvelles offres de services toujours plus pertinentes et innovantes .
Ce contexte - dont le cabinet Gartner promet qu'il sera plus influent pour les services mobiles que les moteurs de recherche pour le web - a donc un bel avenir devant lui ... Mais au fait de quoi s'agit-il exactement ? Cette analyse vous propose d'y répondre tout en vous donnant de nombreux exemples ...

quelques exemples concrets pour démarrer

Tous les dimanches après-midi, Ben a l'habitude d'appeler sa Grand-mère au téléphone. Lorsqu'il oublie de le faire, un mémo reçu sur son téléphone mobile le lui rappelle, en lui proposant un raccourci qui lui simplifie la tâche.

Lorsque Jim fait ses courses au supermarché, son épouse est informée de son activité, et peut le joindre très simplement pour lui donner des consignes de dernière minute.

Dès qu'elle s'installe au volant, Alice n'est plus dérangée par les appels vocaux, qui sont renvoyées vers son secrétariat, tandis que les SMS reçus sont vocalisés au travers de l'autoradio de sa voiture.

Ces trois exemples illustrent le potentiel de services de communication qui savent exploiter judicieusement une certaine connaissance sur les situations vécues par les utilisateurs. C'est l'objet de la prise en compte du contexte dans les nouvelles offres de services conversationnels.

le contexte, c'est quoi ?

Le contexte peut être défini comme l'ensemble des informations qui contribuent à caractériser la situation d'un utilisateur. L'identité, la localisation, l'activité, ou encore la temporalité sont les premières informations qui viennent à l'esprit.  Au-delà, l'éventail des données qui peuvent être prises en compte en tant qu'information de contexte est vaste!
On peut les regrouper par catégories, selon que ces données se rapportent à l'utilisateur, au réseau, aux services, au monde physique, aux équipements ou encore à l'intimité des personnes. Par exemple, l'humeur de l'utilisateur, son degré d'intimité avec les gens qui l'entourent, le sujet d'une conversation, le niveau de bruit ambiant, la luminosité, ou encore la quantité d'énergie restante dans un équipement de l'utilisateur sont autant d'informations qui peuvent être exploitées.

Dans les exemples ci-dessus, les informations de contexte qui sont exploitées concernent la temporalité (Ben appelle sa Grand-mère tous les dimanches après-midi), la localisation (Jim fait ses courses au supermarché), et l'activité (Alice conduit sa voiture).

Les services sensibles au contexte (en anglais, Context-Aware Services) peuvent être classifiés selon l'usage qu'ils font des données de contexte :

- améliorer la pertinence du service et son confort : en adaptant les interfaces, les contenus, leur présentation, ou en travaillant à minimiser les interruptions (évaluation de l'importance des messages, priorisation), ou encore en adaptant les comportements de services (selon la qualité de service, selon les équipements disponibles, selon les capacités de l'utilisateur : un service peut se comporter différemment face à un adulte et face à un enfant)

- autonomiser les utilisateurs : il s'agit d'une approche différente qui vise à rendre perceptible et même explicite pour l'utilisateur le contexte de ses contacts Cette approche suppose de se fier aux processus cognitifs humains, et l'enjeu est ici dans la bonne présentation des informations, facilitant sa perception et permettant à l'utilisateur de se reposer sur son intuition

- automatiser des actions : il s'agit dans ce cas de prendre les décisions d'adaptation de façon autonome (ou avec une composante de supervision disponible pour l'utilisateur), basé sur des mécanismes d'apprentissage et/ou d'observation, et des règles d'adaptation. Cette approche renferme un gros potentiel de nouveaux services, spécifiquement construits sur la connaissance et le traitement d'informations de contexte.

En matière de technologies, la gestion du contexte se décline en plusieurs étapes :

- l'acquisition des données, qui passe par des systèmes de capteurs physiques ou logiques, ainsi que par des procédés d'extraction de connaissance (data-mining appliqué aux données de l'opérateur, aux profils d'utilisateurs…)

- le stockage, qui inclut la fusion de données (par modélisation, par des techniques de traitement sémantique de l'information…)

- l'exploitation des données par les applications et services, au moyen de moteurs de règles, de techniques de type apprentissage automatique, ou de techniques statistiques liées par exemple à l'observation de larges populations.

des services existants qui utilisent le contexte d'usage

Les services exploitant la géo-localisation sont probablement parmi les premiers services sensibles au contexte, à l'image de FourSquare, startup américaine qui procure à ses utilisateurs des moyens de localisation sur téléphone mobile, associés à des forums d'échange reliés à des lieux commerciaux (pubs, restaurants). Le contexte est ici déclaratif, et sert de prétexte à des échanges de type réseau social. L'annonce récente par Facebook de fonctions de géo-localisation va dans le même sens, en prélude peut-être à une exploitation beaucoup plus importante de la localisation des personnes dans les réseaux sociaux.

Les chercheurs américains d'Orange Labs Boston, se basant sur des travaux de Carnegie-Mellon University, ont exploré l'utilisation d'un modèle prédictif qui examine les données opérateur (journal d'appels) afin de calculer une information de haut niveau, caractérisant la "propension à communiquer" des utilisateurs au cours de la journée. Cette information est ensuite utilisée par le prototype Rendez-Vous, qui permet l'établissement de conférences "dès que possible", en se basant aussi sur l'agenda des participants, leur localisation et leur usage courant des outils de communication. On a donc affaire avec ce prototype à un service de communication capable de s'adapter à plusieurs dimensions de contexte des utilisateurs : leur disponibilité (à la fois déclarée dans l'agenda et calculée par le modèle prédictif), leur localisation, leur activité.

 

 

Ecrans du prototype Rendez-Vous – ILAB Boston – 2009

 

 

Dès 2001, les laboratoires de recherche de Cisco systems ont mis au point le prototype Calls.Calm, chargé de repenser la présentation d'une communication, en fournissant de l'information de contexte à l'appelant. Sur un appel entrant, le service procure à l'appelant une page d'accueil personnalisée, de l'information sur la situation de l'appelé (son activité courante, sa localisation), ainsi qu'une information de continuité sur la conversation tenue entre les deux personnes (par exemple, "as-tu vu mon dernier email ?"), assortie d'une liste des moyens de communication utilisables étant donné le contexte (écrire un message texte, faire une demande de rappel, etc.). Ce prototype s'inscrit dans l'approche "autonomiser les utilisateurs", en s'attachant à montrer de façon explicite et compréhensible le contexte des utilisateurs, pour leur permettre de prendre de meilleures décisions de communication.

Carnegie Mellon University, à nouveau, a exploré en 2005 le concept de "context-aware mobile phone", en fabriquant un prototype nommé SenSay, muni de capteurs divers (ce qui requiert d'instrumenter l'utilisateur-cobaye) afin d'observer les changements de contexte tant physiologiques qu'environnementaux. Les fonctions mises au point dans le cadre de ce prototype incluent le pilotage du volume, de la sonnerie, des notifications (fonction par exemple du niveau de bruit ambiant), la possibilité pour l'appelant de signifier l'urgence de son appel, un service de suggestion d'appels, ou encore la fourniture à l'utilisateur d'un retour explicite sur le contexte qu'il diffuse aux autres personnes (feedback).

 



En 2009, une équipe d'ingénieurs d'Orange Labs à Lannion a mis au point un carnet d'adresse adaptatif, capable d'apprendre à reconnaître la situation contextuelle de l'utilisateur afin de réorganiser au mieux les contacts qu'il présente, en fonction de la localisation, du jour de la semaine, ou encore des contacts précédemment invoqués. Ce travail est une illustration du principe d'adaptation des services en fonction du contexte d'usage.

Début 2010, la même équipe propose un démonstrateur de service nommé Word of Mouth, qui exploite un plug-in sur le navigateur Firefox pour permettre à l'internaute de visualiser les gens, amis déjà dans son carnet d'adresse ou inconnus, qui visitent le même site web que lui. Le contexte partagé est ici la "web-localisation", et des mécanismes sont prévus pour entrer en communication textuelle et vocale, ainsi que pour préserver l'intimité du surf lorsque l'utilisateur le souhaite. Ce prototype est à nouveau une illustration du principe d'autonomisation des utilisateurs, qui, par la révélation de leurs contextes respectifs, peuvent prendre des décisions de communication plus adéquates.

perspectives de cet axe de recherche

Le domaine des services sensibles au contexte est promis à un profond et rapide développement, comme le note l'institut Gartner qui écrit "D'ici 2015, le contexte sera aussi influent pour les services mobiles grand public que les moteurs de recherches pour le web". A la lumière des quelques exemples exposés précédemment, on voit à l'évidence la richesse et la diversité des applications possibles dans ce domaine.

L'attention portée aux informations de contexte fait surgir plusieurs problématiques qui sont loin d'être triviales. Elles sont résumées ci-dessous :

- l'acceptabilité des services sensibles au contexte, en lien avec les problématiques de respect de la vie privée (où l'opérateur peut avoir un rôle de tiers de confiance au travers d'engagements forts sur le respect de la vie privée) et de contrôle fourni aux utilisateurs.

- les "business models", qui restent à définir, concernant d'une part l'évolution des services classiques (contextualisation des services), et d'autre part la mise au point de services totalement novateurs. Une autre approche consiste à travailler sur les nouveaux rôles pouvant se développer autour des données de contexte (fournisseur, agrégateur, tiers de confiance…)

- des problématiques technologiques, qui ont trait, par exemple, à la difficulté de bâtir des connaissances "de haut niveau" (le sujet d'une communication, l'activité au sens large d'un utilisateur, son centre d'intérêt à chaque instant…), ou, de façon plus pragmatique, à l'autonomie des batteries pour ce qui concerne les équipements mobiles (dès lors que les processus liés au contexte doivent s'exécuter en permanence, la consommation qu'ils engendrent n'est pas compatible avec les performances actuelles)

- l'hétérogénéité qui surgit immanquablement de la montée en régime d'un pan de technologie et d'usages, qui nécessitera vraisemblablement une harmonisation pouvant passer par des actions de normalisation.

Autant d'axes de travail pour les chercheurs qui s'intéressent aux services de communication interpersonnelle…


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