De nouveaux usages pour les interacteurs mobiles et multitouch

Aujourd'hui pleinement intégrés dans les sphères personnelles et professionnelles, les smartphones et autres périphériques tactiles font désormais partie du quotidien. Si l'euphorie des premiers instants s'estompe logiquement, les usages, eux, se précisent peu à peu et proposent des scénarios novateurs et plutôt pertinents. Au cours des dernières années, le wow effect provoqué par la révolution technologique de ces dispositifs a, en effet, vu les arguments tactiles ou mobiles employés à tort et à travers dans des cas d'usages à l'utilité douteuse, sans doute nourris par les vidéos promotionnelles ou prospectives diffusées par les géants des technologies. Approchant pourtant une phase de relative maturité, les interacteurs mobiles et multitouch voient, de plus, en leurs usages se préciser au fur et à mesure des itérations matérielles et logicielles. Alors que la rentrée approche à grands pas, l'heure est au bilan et aux prédictions.

 

Quand les périphériques nomades multitouch deviennent un outil de travail générique

Le récent boom des tablettes et des smartphones a profondément modifié le marché des loisirs interactifs, mettant même à mal la domination des géants du jeu vidéo sur le segment des consoles portables. Cependant, la convergence des usages que propose leur concept même ne s'arrête pas aux simples loisirs, actualités ou outils pratiques. Ces périphériques majoritairement représentés par les iPhones/iPads deviennent aujourd'hui des dispositifs de travail à part entière. La raison de ce succès ? En dehors de leur aspect mobile en lui-même, les possibilités d'interfaçage avec les autres périphériques, la qualité des kits de développement d'Apple, et bien sûr, un marketing connu pour sa subtilité les placent largement en tête.

 

Si le secteur de la restauration voit, tout de même, apparaître des projets de métaphores numériques de menu plutôt naïves, d'autres initiatives telles que l'application Storific permettent déjà de mettre en place un système de commande efficace côté client. L'ergonomie des mobiles multitouch est également appréciée par les professionnels dans le cadre de leur service, certains restaurateurs remplaçant même les dispositifs de commande dédiés par des iPad. Bien loin des tables et des couverts de nos échoppes, Air France a récemment annoncé son intention de remplacer les existantes et vieillissantes tablettes par la tablette d'Apple pour la consultation des complexes manuels de vols, tout comme l'ont fait les compagnies American Airlines et Alaska Airlines auparavant.

 

L'application de commande Storific

 

Le secteur médical n'échappe pas non plus à la révolution, et les médecins nord-américains se voient même poussés à adopter la tablette d'Apple comme outil de travail. Outre l'intérêt certain en termes de fréquences de mises à jour, de qualité de navigation et de convergence des options de diffusion, la dématérialisation de la gestion des dossiers médicaux soulagerait le gouvernement américain d'une logistique lourde, lente, et surtout couteuse, l'économie brute engendrée étant estimée à 80 milliards de dollars. A noter que cette volonté d'utiliser un dispositif grand public tiers et de se concentrer sur l'aspect logiciel semble également être une volonté de la Sécurité Sociale.

 

 

Les militaires ne sont pas non plus en reste, et si l'armée anglaise utilise déjà l'iPad de manière théorique pour réviser les procédures de guerre et autres jargons sur le terrain, la tablette va être intégrée au paquetage du soldat singapourien. Bien sûr, il s'agit, sans doute, ici d'un plan de communication tant interne qu'externe visant, en partie, à séduire les recrues potentielles, les dispositifs utilisés sur le terrain en période de conflit nécessitant un niveau de robustesse et d'exigence légèrement différents.

 

 

 

Des surfaces collaboratives

La dissémination des périphériques numériques nomades personnels a posé un certain frein à la dissémination des surfaces tactiles, à l'image des fameuses tables. Coûteuses et la plupart du temps encombrantes, elle sont plutôt destinées à devenir des médiums de communication privilégiés dans des cas d'usage bien précis : démonstrateurs commerciaux, pilotage à distance, instruments de musiques, programmes ludo-éducatifs, etc. Le projet DREAM Controller utilise ainsi la fameuse Surface pour contrôler une unité robotique de recherche et de sauvetage en environnement hostile. La table de Microsoft a également été utilisée dans le cadre d'une expérimentation pour le contrôle d'un groupe composé de plusieurs petits robots en temps réel, à la manière de certains jeux vidéo de stratégie.

 

Le concept DREAM Controller

 

 

 

 

 

 

Si on ne retrouve pas encore ces surfaces dans nos chaumières, leur taille et leurs capacités potentielles d'interaction avec l'écosystème numérique en font un outil privilégié dans le cadre d'applications collaboratives multi-modales. Les projets de murs tactiles se multiplient ainsi, à l'image du projet Cyber-Commons, qui peut être piloté et qui peut interagir avec de nombreux autres périphériques : Wiimote, ordinateurs, etc. S'ils semblent moins avancés que le prototype précédent en termes de fonctionnalités, les murs de Perspective Pixel et le Reality Touchscreen de l'université de Groningen valident pourtant une vision du whiteboard dans laquelle l'expérience utilisateur fait la part belle à l'aspect malgré tout ludique de ce type de dispositif.

 

A l'instar de l'Experience Cube de Sensory Minds, les surfaces multitouch peuvent également être pensées comme une expérience à part entière et favorisant l'immersion dans un environnement dédié, une vision qui a été considérablement nourrie par la science-fiction de ces 15 dernières années.

 

Reality Touchscreen de l'université de Groningen

 

 

Des pistes pour le feedback haptique

L'absence de retour haptique sur les périphériques multitouch constitue toujours une barrière de taille à une expérience utilisateur totalement satisfaisante. Des expérimentations sont ainsi actuellement menées pour simuler la sensation de texture directement sur l'objet manipulé. Bien que le prototype Surround Haptics, présenté à l'occasion du SIGGRAPH 2011, ne se destine pas fondamentalement à des périphériques multitouch, il propose pourtant une vision de ce à quoi pourraient ressembler les futurs dispositifs de retour physique. Ceux-ci pourraient, en effet, concerner l'environnement même de l'utilisateur, et pas uniquement le terminal dont il fait usage. Il s'agirait ainsi d'intégrer l'aspect immersif comme un élément fondamental du processus d'utilisation.

 

 Prototype Surround Haptics & Illustration de l'étude OTAN portant sur l'intérêt des dispositifs de feedback

 

Ce procédé, bien que peu novateur dans l'idée et dans la technologie qui la constitue, a notamment été employé comme indicateur de vitesse dans le projet Hokies, qui a expérimenté, avec succès, un dispositif de conduite de véhicules par des personnes atteintes de cécité. Une étude menée par les groupes de recherche de l'OTAN envisage également l'application des systèmes de vibrations dorsales dans les avions de combat en complément des outils de mesure habituels.

 

Si nous connaissons (et supportons) déjà les sempiternels jingles musicaux de nos téléphones mobiles, le son peut également être utilisé comme un avertisseur bien plus subtil. Le designer Sebastiaan Pijnappel a ainsi créé une veste de baseball spécifique qui indique par une série de notes si le lanceur a effectué une série de gestes correcte, chaque note correspondant à un mouvement bien particulier. Bien plus efficace que de simples graphes ou des commentaires texte, ce procédé communique naturellement au sportif la pertinence de son effort et pourrait être facilement adapté à d'autres disciplines.

 

Les périphériques multitouch pourraient ainsi bénéficier des avancées effectuées dans ces différents domaines, où l'écosystème numérique fonctionnerait à la fois comme un vecteur d'échange naturel de données et comme écho de leur utilisation. La capacité de ces objets à communiquer entre eux, en partie favorisée par la convergence des procédés de communication, permet de plus en plus l'émergence d’un langage de navigation quasiment naturel. Les informations échangées seraient presque palpables, tant leur manipulation et leur transfert dans l'environnement numérique serait naturel.

 

 

 

 

 


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