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le "Do it yourself", du bricolage collaboratif

Le Do it yourself est une pratique dont on entends de plus en plus parler aussi bien dans la sphère du numérique que dans les autres domaines qu'il concerne. Par principe, son efficacité croit en même temps que la communauté qu’il réunit et c’est cette caractéristique particulière qui le rends si attrayant. A première vue on ne voit que l’aspect “bricolage” du DIY mais lorsqu’on s’y intéresse plus en profondeur, on découvre un système efficace basé sur des valeurs et des idéaux particuliers.
#1 du bricolage avant tout
Le DIY c’est avant tout et surtout du bricolage. Pour preuve, les tentatives de traductions françaises tournent autour des termes de “bidouille” ou encore “débrouille”. C’est la première et sans doute la plus évidente des caractéristiques qui permet de rattacher un projet au DIY.
La première explication concerne le budget, ou plutôt les moyens en général, que la démarche impose. Pour prétendre pratiquer du DIY, il faut avant tout créer à partir de peu, voire même à partir du minimum. Le projet ne doit normalement engager que du matériel que l’on peut se procurer facilement.
Le collectif allemand Sputnic a ainsi "revisité" le célèbre jeu de course futuriste Wipeout au travers de son projet Racer. On joue toujours sur une borne d'arcade classique mais on contrôle par son intermédiaire une voiture télécommandée qui évolue sur un circuit en carton de 9m x 7m.
On controlle une voiture télécommandée à partir d'une borne d'arcade pour donner l'illusion d'un jeu vidéo classique.
L'immersion est complète puisque la borne affiche ce que filme la caméra fixée sur la voiture télécommandé. Un projet réalisé avec peu de moyens sans but précis et qui est destiné à évoluer au fil du temps, le circuit étant en carton, il est facilement modifiable ou agrandissable. Ce qui rends le projet d'autant plus intéressant, c'est que le collectif laisse toutes les instructions nécessaires pour le reconstruire.
Bien entendu, et nous le verrons plus en détail plus tard, le DIY s'étend également au domaine informatique, notamment au travers des logiciels libres et de l'open source.
On peut rapidement citer un projet mené par le MIT peu de temps après la sortie de Kinect. Cela ne fait que peu de temps que Microsoft a choisit d'ouvrir Kinect afin de permettre à quiconque de se servir des informations récupérées par la caméra. Ils avaient donc mis au point un hack permettant de détecter le mouvement des doigts de la main, et par la même occasion commencé à imaginer quelques gestuelles pour naviguer dans une interface.
Le MIT avait réussi à récupérer les informations capturées par Kinect afin de développer son potentiel en terme d'interaction.
Par essence, le DIY se veut accessible à tous et cette aspect universel fait partie de ses principes fondateurs.
Concernant l’aspect “bricolage” du DIY, il faut noter une autre caractéristique intéressante : on cherche bien à faire, ou plutôt à créer soi-même. Au delà de la satisfaction que peut procurer un travail accompli seul, il y a là une réelle volonté de s’affranchir du système de consommation classique.
L’avantage d’une production personnelle réside entre autres dans l’absence des contraintes imposées par la production industrielle. Pas besoin de penser le produit dans l’optique de le produire en masse, et ça change tout. On ne construit généralement qu’un seul exemplaire, ce qui signifie qu’il n’y a pas besoin de réfléchir à un mode d’assemblage conçu pour la standardisation, et bien entendu la qualité et l’aspect final ne sont soumis qu’à notre seule exigence. Tel que le dit le philosophe français Bernard Stiegler "[...] les technologies numériques font apparaître des pratiques culturelles et économiques fondées sur un tout autre modèle, où les participants aux réseaux numériques ne sont plus dans une relation de producteurs et de consommateurs [...]" Le DIY implique donc un parti-pris puisqu'on fait le choix de ne pas rester un simple consommateur pour au contraire devenir producteur. En passant d’un statut passif à un statut actif, on change volontairement de point de vue dans la chaîne de consommation.
#2 le libre-partage comme idée fondatrice
L'autre caractéristique particulière au DIY, et qui lui donne une réelle valeur ajoutée, c'est la volonté de partager.
La plate-forme web française la plus riche et la plus dynamique concernant le DIY, Instructables permet de bien illustrer ce phénomène. Cette plate-forme a choisit l’échange comme principe de base dans le but de créer une communauté active autour du DIY. Ainsi, chaque “bricoleur” est invité à exposer ses créations et à en expliquer les rouages afin de permettre aux autres de les réaliser à leur tour.
Instructables est alimenté par une vaste communauté qui choisit de partager ses projets.
Il doit cependant se plier à certaines règles ou plutôt à un langage commun qui permet d’harmoniser les échanges. Chaque post doit être divisé en étapes et chaque étape doit comporter une description précise et être illustré par une ou plusieurs photos. Tout est fait pour pousser les bricoleurs à partager leur expérience et en retour à bénéficier de celle des autres.
Le réel intérêt n’est pas dans la reproduction exacte d'un projet mais plutôt dans l’appropriation, le remaniement. Si un projet nous intéresse on peut choisir de le reprendre pour l’améliorer, si on trouve un projet similaire au sien on peut le consulter pour y trouver des conseils et astuces, on peut éventuellement reprendre un morceau de projet et continuer soi-même... etc, il existe beaucoup de manière de s’approprier les ressources partagées par ce genre de communautés.
C’est une forme de travail collaboratif qui permet de réunir et de faire interagir efficacement la communauté du DIY.
Même si le DIY a toujours plus ou moins existé, sa formulation reste récente, on admet qu’elle remonte aux années 70, impulsée par le mouvement punk. Cette formulation a permit de prendre conscience du potentiel novateur que représentait cette forme de travail. On a plus tard cherché à l’exploiter au mieux en favorisant la rencontre des bricoleurs. C’est ainsi que sont nés en 2004 les “Fab labs” à l’initiative de Neil Gershenfeld, membre du MIT. Ce sont des sortes d’ateliers entièrement dédiés à la création numérique.
Les Fab labs sont des espaces de création numérique centrés autour de la collaboration.
Le réel intérêt ne vient pas forcément de la mise à disposition de l’espace et du matériel mais plutôt des échanges générés au sein de la communauté. Partageant tous la même passion, les interactions entre les bricoleurs sont nombreuses. Ils peuvent discuter, s’entraider ou même décider de lancer un projet à plusieurs s’il s’avère que leurs compétences respectives se complètent. Cette mutualisation efficace des connaissances fait évidemment tout l’intérêt des Fab labs.
Outre le bricolage brassé par Instructables, il faut également inclure les logiciels libres et le concept d’open source de manière générale, à la définition du DIY. Cela en fait partie intégrante. Le DIY se veut en effet lutter contre les systèmes fermés, c’est-à-dire les systèmes qui ne souhaite pas divulguer leurs propres “coulisses” ou plutôt les rouages de leurs fonctionnement. Plusieurs raisons explique cette dissimulation : ils souhaitent tout simplement garder leur travail secret pour en avoir l’exclusivité, et d’autre part ils ne veulent pas permettre à d’autres de le reprendre sous peine de le voir dénaturé. La politique d’Apple en est un bon exemple puisqu’il s’agit de tout fermer, système d’exploitation, logiciels jusqu’au matériel. Au contraire, le sytème d’exploitation Linux a fait le parti-pris fort de tout ouvrir dans le but de faire graviter une communauté de développement autour du projet. Lorsqu’on fait le choix d’une telle politique, on donne un accès intégral au code et on laisse les développeurs s’approprier cette base à leur manière. En formant une communauté de développeurs, le système évolue continuellement. Cette évolution peut se traduire par une amélioration du système qui le rendra plus stable, et peut aussi donner lieu à la naissance de projets-enfants ayant tous la même base, mais des directions différentes.
Le DIY c'est donc du bricolage qui se veut accessible et c'est aussi des valeurs fortes centrées autour du partage et du travail collaboratif. C'est une pratique qui à mon sens est très efficace et mène rapidement à des résultats très intéressants. Le petit budget qu'il engrange permet de donner vie à beaucoup de projets que l'on hésite à mettre en place et permet donc, en terme de créativité, une grande productivité.
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