Interview avec Marcelle Blandel, l’une des fondatrices de dream Orange, notre Dream Café d'aujourd'hui

Marcelle, j’ai découvert que tu étais l’une des fondatrices de Dream Café, dream Orange à l'origine. A l’occasion des 10 ans du Dream, j’aimerais que tu nous racontes comment tu as participé à sa création et à ses débuts, et ce que tu en perçois aujourd’hui.

 

« Les toutes premières esquisses de Dream naissent véritablement en 2006 », me confie Marcelle, « à cette époque je travaillais sur les cahiers de tendances (entre 2003 et 2006), une première dans le milieu des télécoms », m’explique-t-elle, « qui s’inspiraient en fait des milieux de la mode et du design, en repérant sur  les axes techniques, sociaux, marketing, innovation, design, des signaux faibles concomitants  pour détecter les tendances d’usage des produits-et services Telecom».

 

La recherche s'ouvre...

Comment est venue cette idée des cahiers de tendances ?

En 2002, un collègue est interpellé par l’ampleur du SMS qu’il n’avait pas  vu venir. Il voulait ainsi qu’on anticipe sur les usages des produits et services dont s’emparaient les utilisateurs.

 

Cet épisode a donc été en quelque sorte un déclencheur car les usages prennent le dessus sur ce qu’on avait pu anticiper dans les labos de recherche ?

Oui, c’est ça ! Je travaillais aussi avec les sociologues Benoît Lelong et Dominique Cardon, sur une nouvelle tendance et concept : l’innovation ascendante. L’esprit, c’était l’innovation des garages et  la démocratisation de l’innovation, à l’image de la démarche d‘innovation ascendante décrite par Eric Von Hippel  avec l’exemple emblématique des surfeurs qui créaient leurs propres surfs dans leurs garages sans attendre que leur soit proposé un modèle en magasin !

« […] c’est comme ça qu’est venu Dream Orange, c’est rêver ORANGE »

En effet, le constat était le suivant : de nombreux produits commercialisés ne sont pas adaptés à tous les utilisateurs. Au-delà des chercheurs, il fallait ainsi  favoriser une innovation de manière plus ascendante, c'est-à-dire une innovation qui intègre des users (utilisateurs), des designers, des  jeunes et toutes les personnes qui ont des idées et l’envie d’être acteur !

Dream Orange est donc la suite des cahiers de tendances, avec cette nouvelle manière d’appréhender et de questionner l’innovation en y associant les usages des utilisateurs. Nous visions ainsi une démarche d’innovation ouverte, plus collaborative et interactive. C’est pourquoi l’utilisation d’internet s’est imposée à nous pour intégrer la diversité des acteurs. Et tout cela dans un contexte où internet est loin d’être arrivé dans tous les foyers ! C’est ainsi qu’est né le projet User Value en 2006 puis le site Dream Orange en 2007.

Dream Orange, ou la place publique de l’innovation

Alors Dream Orange finalement : c’était pour qui ? Avec qui ?

Nous considérions que quiconque intéressé par les sujets d’innovation était censé avoir envie de participer à cette démarche et avoir la possibilité de contribuer à son niveau à l’innovation. Nous avons mis au départ le focus sur les écoles de design, car nous estimions qu’outre les ingénieurs, il était important de solliciter de potentiels innovateurs, créateurs et early adopters.

Dream Orange devait ainsi être la place publique où seraient scénarisés et mis en visibilité les propos, conversations et interactions des chercheurs et étudiants. L’intention était donc de chercher ceux qui ont des idées, les mettre en visibilité et susciter l’échange avec tout un chacun. Pour formaliser cette scénarisation, des bulletins boards ont été élaborés avec les labos de recherche en vue d’interagir avec les étudiants designers. Des concours de design sont aussi lancés (au sujet de la fibre et des réseaux sociaux) pour accentuer et éveiller l’envie d’innover sur des thématiques qui importaient à Orange.

Notre levier, c’était donc les écoles pour lancer dream Orange, mais en fait tout un écosystème se mettait progressivement  en place avec un accent sur le collaboratif et la co-innovation.

 

En effet, vous n’étiez pas les seuls sur ce terrain: des références comme Google labs, Yahoo Tech, Nokia concept lounge ,etc  surfaient sur cette vague de la co conception avec les utilisateurs. Comment positionnez-vous votre projet à l’époque ?

Et bien, savoir que cela se faisait ailleurs nous a confortés dans notre projet. Nous nous disions que nous étions dans la bonne direction. Nous avons donc poussé pour créer notre propre identité de co-innovation, Dream Orange, au sein d’Orange. Ce qui, dans un contexte de changement de la marque Orange, s’est avéré compliqué mais finalement avec le temps le mot Dream perdure encore aujourd’hui avec Dream Café !

 « Notre lune qu’on voulait conquérir » : Co-innover les services de demain 

Finalement c’est une démarche innovante au cœur de sujets d’innovation ! A cette époque comment se positionnait cette démarche finalement entre la recherche et le marketing ? Et  toi quelle posture avais-tu dans tout ça, quelles étaient tes fonctions ?

A cette époque, j’ai rejoint une entité alors appelée Innovation & Prospective afin de  poursuivre des activités d’anticipation. Et c’est donc dans ce contexte d’Anticipation, de Prospectives et d’Innovation, qu’avec ma super collègue, Pascale Clément, qui était en Recherche & Développement, nous avons imaginé, créé et proposé le concept Dream Orange. Après les cahiers de tendances, version « papier », nous voulions proposer une démarche complémentaire et interactive en ligne sur internet, une conversation digitale permettant de favoriser la collaboration entre différents acteurs et de faire bouger les postures entre les marketeurs, innovateurs et chercheurs.

 

Comment a été reçu le projet du coup ? La démarche a-t-elle en quelque sorte réconcilié les deux ?

Avec cette démarche d’innovation ascendante impliquant la co-innovation et la co-conception des services de demain, c’était une « révélation » je crois, dans le sens où nous avons aidé à mettre les labos de recherche en visibilité, à donner du corps à ce qu’ils faisaient et leur apporter de la reconnaissance via les interactions avec les dreamers early adopters. Côté marketing, c’était plus  difficile, la question récurrente sur « Comment transformer ce qui émane de tout ça, comment l’intégrer dans les projets avec une logique court-termiste. ? » revenait régulièrement.

« YOU have the power ! »

Co-conception, co-innovation : on passe véritablement à une nouvelle ère de l’innovation ?

Oui ! Une nouvelle ère avec la valorisation des « users ». User Value, est issu de la tendance : « YOU have the power », donner le pouvoir aux users, les inviter à oser s’exprimer, donner leurs idées, et nous, nous voulions  mettre en place une plateforme qui révèle et donne réalité à cette tendance, c’est ça Dream Orange.

 

Et d’ailleurs j’ai relevé dans les supports du projet des terminologies qui m’ont interpellée et me semblent aller dans ce sens de recueillir la voix populaire en quelque sorte : « tribune », « innovation bazar », qu’est-ce que ça impliquait ?

Oui c’était impulser une sorte de rebond par l’enrichissement interactif et l’intelligence collective. Comme je le disais, nous visions des personnes connectées, nous voulions libérer les paroles et faire en sorte que les gens s’autorisent à s’exprimer, à prendre le pouvoir et se fassent confiance dans cette forme d’expression innovante.

 

Le fer de lance de l’histoire a donc bien été d’ouvrir d’abord les laboratoires de recherche si je comprends, aujourd’hui des Fablabs sont positionnés dans l’écosystème des dispositifs communautaires innovants, était-ce un peu l‘esprit de votre projet finalement ?

Pas du tout à l’époque. Le projet Dream, c’est « innover et imaginer ensemble » alors qu’un Fablab, selon moi, c’est le « faire ensemble ». Ce qui est différent. Ceci dit, de nombreux échanges ont bien sûr eu lieu lors des rencontres physiques organisées pour les concours, les parcours d’innovation, avec notamment les workshop de créativité sur les tendances des textures, matériaux, ...ce qui quelque part se rapproche des FabLab.

Et maintenant ? 

« la logique de conversation je trouve ça super ! »

Marcelle, venons au présent, t’es-tu baladée dernièrement au Dream café ?

Non, pas tout récemment, il y a 2 ans je m’en suis rapprochée car j’avais pour objectif d’ouvrir dream Orange à l’international. La recommandation pour  que ce soit un outil véritablement efficace, était de rendre l’interface multilingue et de proposer une animation par les locaux de chaque pays, dans la langue du pays. En effet, comme nous sommes dans une logique de conversation, le sens et le poids des mots sont importants, si nous utilisons une autre langue, même l’anglais, nous prenons le risque de « brider » les échanges ou de rester dans un discours convenu.

 

Que penses-tu de l’évolution Dream Orange, aujourd’hui Dream Café ?

Ce que je trouve de positif, c’est l’ouverture sur plein de sujets, c’est aussi par exemple l’ouverture au monde entreprise, Pme, et autres acteurs avec cette logique de conversation toujours plus forte. Je trouve ça super ! C’est une très belle évolution, dans l’esprit co construire, co animer, co innover, mettre les gens en situation de s’exprimer librement et de manière réflexive.

 

Comment imaginerais-tu les choses, demain au Dream Café ?

Pour moi Dream Orange à l’origine est un outil pour échanger, je poursuivrais ainsi la dynamique de conversation en intégrant pleinement les commanditaires pour qu’ils s’approprient davantage encore l’outil.

 

Est-ce que cela pourrait être un lieu de rencontre entre marketeurs, clients utilisateurs, acteurs de la vente, etc…

Oui, pour moi c’est un outil qui peut faciliter cet échange, et c’est donc via internet !

« Je suis fière qu’en 2017, 10 ans après, l’outil soit toujours en place »

Marcelle, j’aimerais que tu réagisses à cette phrase que j’ai relevé dans ton document-projet de l’époque en 2006 et qui résume assez bien je trouve l’ensemble de nos échanges, tu dis « Dream Orange doit servir de plateforme d’interaction et de communication autour de nos activités dans le domaine de la prospective de l’innovation » : selon toi l’objectif est-il atteint ? déplacé ? dépassé ?

Pour moi, l’objectif est atteint pour une part et reste encore à compléter pour d’autre part. Nous avons en effet évoqué les conversations sur l’innovation commerciale avec le Dream Café. Dream Café pourrait aussi être davantage déployé dans les Pays.

Moi, je veux être dans le transfert, la transmission, pour que chacun soit autonome et acteur et s’empare de  l’innovation.

 

Marcelle, nous arrivons au terme de cette interview, pour conclure que souhaites-tu ajouter qui te tient à cœur ?

Je peux dire que je suis fière qu’en 2017, 10 ans après l’outil soit toujours en place.

 

…donc, fière que Dream Café soit toujours là, mais encore de belles années devant lui finalement, avec de nouvelles choses à faire ?

Oui, des évolutions pour plus d’international, de démocratisation, d’ouverture et d’intelligence collective entre les « users », innovateurs, acteurs Orange, ...

 

Interview du 9 février 2017 - par Prorangelle


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