L’innovation au service d’institutions éducatives

Dans un monde en mouvement, où l’information est accessible partout, à tout moment et sous différentes formes, il s’agit, pour les musées, de repenser leur place, leur mission et leur rapport au public. Afin de répondre aux demandes des visiteurs, qui sont souvent lassés de ces lieux qui présentent la culture d’une façon lointaine et élitiste, nombreux sont les musées ayant recours à la technologie : web 2.0, bornes interactives, installations… Tout est bon pour faire vivre au visiteur une expérience dont il se souviendra. Mais s’il semble nécessaire, voire indispensable, pour les musées d’innover, il est aussi intéressant de s’interroger sur le sens de cette innovation.


Des publics multiples en évolution

Visiteurs au musée

 

Crédit photo : Alex Segre

 

Si les institutions gardiennes du savoir institutionnel se sentent obligées d’évoluer, c’est pour rester en cohérence avec leur public. Un public, ou plutôt des publics, dont les attentes ont beaucoup évolué depuis l’ouverture des musées.

Dans les années 1960, la fréquentation des musées est extrêmement faible et les visiteurs sont principalement des intellectuels. Grâce aux expositions temporaires, cette fréquentation augmente et s’accélère dans les années 1980. Les années 1990 et 2000 marquent la stabilisation de la fréquentation des musées, estimée entre 45 millions et 60 millions d’entrées par an en France (source : MCC/DGP/DEPS).

 

Avec cette fréquentation de plus en plus importante, un nouveau type de relation s’instaure entre le musée et le visiteur : une sorte de routine. Au cours de ces différentes visites, l’usager acquiert « un capital de familiarité avec les musées qui lui permet, par la suite, de prendre un certain nombre de décisions lors de la visite » comme le dit Jacqueline Eidelman, chargée de recherche au CNRS. Télécharger le colloque Innovations et musée. Le public devient donc compétent et aime tester son savoir avec d’autres personnes.

 

Le musée, qui était avant considéré comme une activité ennuyante et solitaire, se veut de plus en plus social, et on voit beaucoup de familles, groupes scolaires, bandes d’amis, couples… Rares sont les personnes qui se rendent seules au musée et, si elles le font, c’est bien souvent dans l’espoir de pouvoir rencontrer des gens avec qui elles pourront échanger leurs impressions sur les œuvres présentées et les thématiques abordées.

 

Il y a autant de comportements différents qu’il y a de visiteurs. Il y a le public à l’attitude contemplative et passive qui aime s’arrêter devant les œuvres pour les admirer, voire « s’y recueillir » ; le public à l’attitude éveillée et manuelle, qui a besoin d’agir pour comprendre et qui aime participer ; et le public motivé, exigeant et réfléchi qui se pose beaucoup de questions et demande à comprendre ce qu’il voit.

 

 

S’il est difficile de quantifier les comportements, d’une manière générale on constate que l’on passe de visiteurs disciplinés et passifs vers un public actif et qui s’adapte.

 

 

 

 

Des débuts d’innovation

Avec des publics aussi différents, il n’est pas simple de faire bouger les choses. Cependant, pour certains musées, la technologie est un excellent moyen d’attirer et de fidéliser de nouveaux usagers.

 

 

À l’image du American Museum of Natural History, de nombreux musées décident de créer une application mobile. Les Smartphones étant devenus très courants, il semble évident de proposer une application pour cette plateforme. Les contenus sont souvent identiques : expositions et œuvres, heures d’ouverture et prix du ticket, plan du musée, informations complémentaires.

 

Application mobile du American Museum of Natural History

 

Pour s’éloigner un peu de la fonction traditionnelle de guide que joue souvent l’application mobile, Collectrium a eu l’idée de concevoir Art Capture, une application qui permet de photographier et de stocker ses œuvres préférées. L’innovation est réelle car on ne limite pas l’art aux frontières du musée et l’utilisateur peut réellement s’approprier les pièces.

 

Application Art Capture par Collectrium

 

Le château des ducs de Bretagne de Nantes a, quand à lui, complètement intégré le multimédia à son musée sur l’histoire de Nantes. Des bornes interactives, des séquences sonores, de la cartographie interactive et le plus impressionnant : une reconstitution 3D temps réel de Nantes en 1756, réalisé par Axyz. À travers l’écran, l’utilisateur peut se promener dans les rues de Nantes au 18e siècle.

 

 

Pour fêter son nouveau site internet, le Victoria and Albert Museum, de Londres, a organisé un week-end d’évènements interactifs, les 15 et 16 juillet 2011. Au programme : installations, jeux, ateliers et conférences. Les visiteurs ont pu explorer la façon dont le web encourage la communication, la collaboration et crée des communautés.

 

Light painting at the V&ALight painting at the V&A 

 


C’est donc grâce au web, aux applications mais surtout à la 3D, pour plus d’immersion, et aux évènements, pour plus d’interaction, que les musées se renouvellent.

Application mobile du American Museum of Natural History

 

Vers des expériences plus sociales

Nous avons connaissance des attentes du public et des créations déjà existantes. Maintenant, peut-être, pouvons-nous envisager des solutions innovantes pour le futur ?

 

 

D’une manière générale, il peut être intéressant d’accentuer le côté social des musées.

 

Technologiquement, grâce aux réseaux sociaux que nous connaissons tous maintenant. Le Brooklyn Museum est un bon exemple en ce sens. Le musée possède un site web, un blog, une page Facebook, un compte sur Twitter et sur Flickr, un Tumblr, Foursquare et plus encore. Une présence qui semble importante.Cependant, on constate que ces comptes ont peu d’activité.

Peut-être est-il préférable, pour certains musées, de se concentrer sur un ou deux réseaux sociaux et de les alimenter fréquemment, à l’image du Tate de Londres, qui s’interroge sur une utilisation créative des réseaux sociaux : une discussion Twitter autour du tag #artfilmtitle et une collaboration Flickr pour promouvoir le travail de photographes britanniques. L’idée n’est pas d’être présent partout mais de cibler et de proposer des choses concrètes aux visiteurs potentiels du musée afin de se rapprocher d’eux.

 

Les musées doivent amener de l’interaction entre les usagers d’une façon concrète. En effet, ces espaces sont souvent des endroits de déambulation solitaire quand ils pourraient être des lieux d’expériences sociales en connectant les gens ayant des intérêts communs. D’autant plus que les expériences dont on se souvient le mieux sont celles que l’on partage.

 

Certains artistes créent cet environnement propice au dialogue comme Olafur Eliasson avec son œuvre Your blind passenger, 2010. Une œuvre que l’on visite à plusieurs mais qui est aussi très individuelle dans le sens où chaque émotion ressentie nous est propre. Voir une vidéo de Your blind passenger.

 

Your blind passenger, Olafur Eliasson

 

Loin des audio-guides rétrogrades et mal conçus qui isolent, les musées doivent concevoir des espaces qui invitent les visiteurs à communiquer et donc à prendre part à l’exposition. Donner son avis devient une façon de comprendre et de s’approprier l’art.

Your blind passenger, Olafur Eliasson

 

Lorsque l’on demande à un visiteur de musée ce dont il se souvient d’un musée, la réponse est souvent une expérience collective ou interactive que l’utilisateur a pu échanger et s’approprier. C’est cette simple analyse qui nous amènera peut-être à vivre des expériences muséales novatrices et sociales dans quelques années.

 

 

 

Crédit photo d'en-tête : Cap Sciences

 


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