Le sentiment d'insécurité sur internet

Après avoir écrit la-nostalgie-heureuse-des-debuts-d-internet, abordons maintenant la question de la sécurité sur internet telle qu'elle s'est exprimée lors du café numérique "Dans quel internet on vit ?". Lors de ce café, la sécurité a été abordée surtout sous l'angle du sentiment d'insécurité. 

Vous pouvez nous écouter ou lire le billet ci-dessous.

La protection de ses libres capacités de choix

Plusieurs personnes ont abordé le sujet de la protection de leurs données personnelles. Ce sujet est venu spontanément par celui des cookies que l'on accepte ou refuse. Et par le fait que les géants du web travaillent avec nos données. Là, on cherche à se protéger d'un univers internet qui serait devenu trop marchand. Ce sujet est compliqué parce qu'en même temps que l'on veut protéger sa libre capacité de choix on attend des enseignes des communications personnalisées. Il est compliqué aussi parce qu'utiliser des réseaux sociaux est pratique et agréable. La protection de ses libres capacités de choix devient une sorte de chimère dans notre monde marchand et une manière efficace de s'en protéger est simplement de limiter son temps d'exposition à des sollicitations publicitaires.

Lutter contre les faussetés

Tant qu'il n'est question que de publicités et de recommandation de contenus, ce n'est pas très grave, on peut se dire que c'est à soi de faire un effort pour sortir de son "techno-cocon" - la formule est de l'écrivain Alain Damasio dans Les Furtifs - mais quand on devient la cible de fausses actualités, se départir de faussetés demande un effort permanent d'entretien de son esprit critique. L'exposition continue à des informations fausses, voire à des deepfakes ou hypertrucages, accroit le sentiment d'insécurité. Le collectif dirigé par Gérald Bronner, dans Les lumières à l'ère numérique, recommande notamment de "veiller à ce que, sur certains sujets fermement établis, le classement algorithmique n'induise pas en erreur le public sur l'état réel des connaissances" et, pour cela, d' "encourager un dialogue entre les plateformes et les institutions scientifiques afin que l'existence d'un consensus soit reflétée dans la visibilité accordée aux diverses opinions."

La protection des données et des connaissances

Ce sujet est venu surtout sur le sujet des données que l'on entrepose dans des clouds et sur le fait que l'on ne dispose pas véritablement de cloud européen. "Les fournisseurs de cloud étant principalement américains, nos données tombent sous le Cloud Act et les américains peuvent y avoir accès." Le sentiment d'insécurité ici a trait au fait que l'on manquerait de solutions assurant notre souveraineté. "Les GAFAM, multinationales du numérique comme Google ou Microsoft, prennent toujours plus de place dans les écoles et mettent la main sur les données personnelles des élèves et de leurs parents." Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. De nouveaux modes de travail collaboratifs ont émergé qui laissent entrevoir les promesses d'une intensité nouvelle des échanges scientifiques. L'initiative TelaBotanica, par exemple, permet la mise en réseau de milliers de botanistes, les uns professionnels, les autres amateurs, pour réviser de façon efficace l'intégralité de la nomenclature des plantes existantes en France.

La protection de son intégrité et de celle de ses proches

Ce sujet est souvent abordé au travers des violences vécues sur le web, par exemple du harcèlement en ligne sur les réseaux sociaux, des formes de violence que l'on a peur de retrouver demain dans les univers virtuels des metavers. La plupart des personnes avec qui l'on discute en ligne sont des personnes que l'on rencontre dans la vie réelle. Songeons aux camarades de collèges ou de lycée. En ligne, il est des violences que certains s'autorisent davantage parce que c'est facile d'écrire sans retenue. Des harceleurs en ligne peuvent retrouver les personnes harcelées dans la vie réelle. Et alors il est important de se dire que toute violence en ligne peut se poursuivre dans la vie réelle. "On peut parler d'effraction dans la vie réelle". De manière positive, protéger son intégrité pourrait passer par la possibilité de récupérer toutes ses publications pour faire le récit de soi présent sur le web et comme c'est soi-même qui l'a écrit, c'est soi-même qui peut écrire la suite, ses inflexions et revirements. Signalons aussi ce jeu pour les jeunes qu'Orange a créé : les magiciens du numérique. Nous avons eu l'occasion de le tester. Il est animé par des salariés Orange volontaires.

La protection de son identité et de ses accès

Relevons ce propos : "Mon identité appartient à la vie réelle ainsi que mes moyens de paiements". Les accès à protéger à double tour sont tous les accès à ses espaces clients, à ses boites mails, à ses identifiants sur les réseaux sociaux, à ses comptes bancaires. Il en va de la protection de son argent comme de son intégrité.

Le sentiment de sécurité ou d'insécurité se joue au moins sur ces cinq registres, l'exposition aux flux marchands, l'exposition aux informations venant de partout dont des fausses, la souveraineté, la protection de son intégrité et la protection de ses accès. Il nous semblait important de distinguer ces cinq points pour cerner différents leviers d'action.

 

Boucledor, Enora et Rosario, 29 novembre 2022


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