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Vous avez dit fatigue digitale ?
En décembre dernier, nous avons poursuivi des échanges initiés deux années plus tôt autour de cette question Dans quel internet on vit ?. Nous avons été surpris de voir poindre un phénomène de fatigue digitale. Nous avons voulu le comprendre. Cette sensation de fatigue est générée par divers facteurs. Nous en avons identifié six principaux. Ci-dessous, vous pouvez les lire, ou les écouter.
Il faut une attention de tous les instants sur le web
A mesure que le web s'expand, les enjeux de sécurité aussi. "La cybercriminalité se renforce comme la cybersécurité". "Puis il y a de plus en plus d'arnaques aussi". Les risques portent sur l'identité, sur l'argent que l'on risque de perdre, sa réputation aussi. Il faut faire attention très souvent, de plus en plus souvent, pour soi, pour ses enfants, pour ses parents. "Tous les jours ! souvent par le biais des mails (phishing...) mais aussi sur les pages d'accueil des sites et des moteurs de recherche avec de fausses pubs ou informations pour vous tenter de cliquer vers je ne sais pas où... J'essaye d'éduquer mes enfants mais surtout mes parents là-dessus."
Les services web réagissent en créant des dispositifs de sécurité plus robustes, pensons aux dispositifs d'authentification, pensons aussi aux dispositifs de gestion des cookies, qui génèrent à leur tour des contraintes nouvelles pour les utilisateurs.
Des usages puisent sur le sommeil
Nous avons lu au café "Je pense que je perds la moitié de mon temps en allant sur internet (parce que je regarde du contenu qui peut ne pas me rendre plus intelligente, juste me divertir sur un instant)". Un temps parfois soustrait au précieux temps de sommeil. Il faut ajouter que les sites de réseaux sociaux contiennent des "dark patterns" comme on dit, et que l'on pourrait traduire par "interfaces trompeuses" (cf. Pièges sur les sites de commerce en ligne : attention aux dark patterns ! | Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique), qui visent à maintenir en éveil et attention, parfois fatigante, leurs utilisateurs.
A noter que la fatigue rend moins alerte sur les risques évoqués juste avant.
Le e-commerce génère de l'agacement au moment de l'achat comme une fois consommé un service
"J'ai eu le cas récemment lors de la visite d'un musée où il fallait télécharger l'application et scanner des QR codes pour profiter pleinement de toutes les infos. Même pour allez à Disney, il n'est plus possible de prendre des billets sur place, il faut s'inscrire sur le site avant pour respecter la jauge qu'ils s'imposent". Le web n'est pas alors source de plaisir mais de contrainte. S'ajoute à cela le fait qu'il faut renseigner le plus souvent beaucoup d'informations non strictement utiles à la délivrance d'un service, l'émission d'un billet de spectacle par exemple. Heureusement, il existe des sites où sont demandées avant de pouvoir payer seulement une adresse mail, un nom et un prénom. Ils sont rarissimes.
Une fois consommé un service, vient le temps de l'enquête de satisfaction. Des enquêtes auxquelles on répond généralement en cas de mécontentement ou à l'inverse de franc contentement. Mais alors, ce qui fatigue, c'est le fait que le réel motif du contentement ou du mécontentement... on ne réussit pas à l'exprimer sur la majorité des enquêtes de satisfaction. Deux options alors : le dépit de l'aquabonisme ou bien le désagréable temps passé à tenter de trouver comment exprimer ce que l'on a à déclarer ou réclamer.
Entre bruit de fond et diktat de la popularité
Les recommandations, c'est pratique, il suffit de se laisser porter. Toutefois, ce n'est pas toujours efficace et la fatigue qui arrive est celle de vivre comme dans un bruit de fond. "On parle des suggestions Deezer, je balaie un spectre de styles musicaux tellement large que les algorithmes sont bien incapables de savoir quoi me suggérer". En même temps, pour rester dans l'univers musical, "on peut aussi citer le principe des heavy rotation sur les radios, moi ça me donne plutôt envie de l'éteindre". Le sentiment de bruit de fond comme le diktat de la popularité assomment au moment où l'on en devient pleinement conscient.
Etre comme enfermé dans sa bulle, ça peut générer de la fatigue de soi
Le phénomène d'enfermement dans sa bulle est étudié de longue date. Il a été renforcé au moment des confinements. Et songeons au film Jusqu'au bout du monde de Wim Wenders où en bout de course, il reste des "zombies narcissiques, perdus dans un océan d’images artificielles (presque une « symphonie de couleurs et de formes » sur écran numérique) et accros à des moniteurs vidéo sur lesquels ils visionnent en boucle les clips de leurs propres rêves, signes tangibles de ce qui leur semble être leur vérité première" (source : Jusqu'au bout du monde - Où allons-nous ?).
A ce stade, rendons-nous compte que des usages d'intelligences artificielles qui sont déjà alimentées par des productions d'autres intelligences artificielles produisent des contenus qui deviennent fatigants pour des rédacteurs de prompts au point que l'artisanat de la création devient déjà une bonne porte de regénération. Pour revenir au paragraphe précédent sur la musique, vivre de temps en temps le fait de se laisser porter par le flux d'une radio risque d'ouvrir davantage à des bonnes surprises que de suivre les recommandations d'algorithmes.
Etre artisan et technologue
C'est peut-être cela que demande notre monde, être artisan et technologue. "Plus la technologie progresse, plus il devient crucial d'acquérir des compétences techniques". Etre artisan et technologue, les deux à la fois, pour ne pas que la fatigue l'emporte.
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