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Présentation du café

Dans quel internet vit-on ? Quelle histoire d'internet connait-on ? Quel internet aime-t-on ? Quel sera le futur d'internet ?

Ce sont les questions que nous nous poserons au cours de ce café numérique. Ce sera l'occasion d'échanger sur des choses aussi différentes que l'intelligence artificielle, les métavers, la protection des données, les conditions de production de notre vie numérique, l'internet des loisirs, l'internet du travail, etc.

Prêt.e pour ce café qui risque d'être un brin café techno, un brin café philo ? C'est à vous !

Flashback

A départ de ce café numérique, il y avait la question de l'acceptabilité du numérique. Et puis, grandement sur la base de la lecture de The game d'Alessandro Barrico, nous avons décidé de poser cette question : Dans quel internet on vit ? Les participants à ce café ont découvert internet à ses différents âges et nous avons décidé de légèrement surreprésenter de jeunes joueurs parmi l'ensemble des participants.

La "nostalgie heureuse"
 

"Nostalgie heureuse" est un terme que nous empruntons à Amélie Nothomb. Elle explique qu'en japonais il existe un mot, natsukashi, pour exprimer la "nostalgie heureuse".  Il n'en existe pas en français.

L'histoire d'internet est récente et son accélération est faramineuse.

A ce café, il y a la nostalgie du web 1.0 pour ceux qui ont l'ont connu, un web simple où on cliquait sur des liens hypertextes pour explorer un nouveau monde de connaissances. On chantait On navigue sur le web, chanson écrite par Jean-Marie Leau. On se souvient aussi des difficultés de connexion, du fameux bruit du modem qui grésille et des parents qui râlaient au sujet des factures quand on passait « trop » de temps à surfer sur le web.

Il y a de la nostalgie heureuse là au sens où il y a quelque chose de précieux à conserver.

Et puis il y a ceux qui sont nés avec le Web, ils ont aussi leur première fois à raconter. « J'ai connu internet à ses débuts, été sur un ordinateur à mes 5 ans, je suis curieux de nature, j'ai pu en connaître tellement grâce à cela, parfois à l'excès en passant beaucoup d'heures par jour. » L'arrivée du web 2.0 les a accompagnés. Cet internet a perdu de son innocence avec les réseaux sociaux qui ont pris une grande place dans la vie. C'est comme si la machine s’emballait, comme si on ne pouvait plus maitriser la course aux messages.

Malgré les différences de génération, beaucoup parlent aujourd'hui de faire un reboot, de revenir à une page blanche, d'effacer les contenus, le passé sur le net… et cela semble impossible. « D’anciens messages postés sur des forums, de vieilles pages Myspace ou skyrock de quand on était ados par exemple ;) les traces de nos achats, de nos likes, de nos commentaires ».

Et tous prennent conscience de la fragilité et de la préciosité des réseaux qui nous permettent d’accéder à internet.

Ce qui est précieux d'internet, c'est l’ouverture à la connaissance et à des nouveaux mondes sur fond de bons ancrages dans le monde réel. « On dit souvent qu'Internet n'aide pas pour les liens sociaux, moi je trouve qu'on peut justement créer de superbes liens avec des personnes qu'on n'aurait pas trouvées autrement. »

Des caps franchis récemment, disons depuis 2020
 

Les caps franchis récemment sont grandement liés à la la pandémie et à ses confinements successifs partout dans le monde.

Il y a la mamie que l’on ne pouvait pas aller voir en EPAHD et que l'on retrouvait sur WhatsApp. Il y a eu cette envolée des réunions en visio. Il y a eu des cadeaux digitaux, tels qu'un site web pour fêter un anniversaire. Il y a des modes de communication qui vont perdurer et une grande progression du télétravail.

Il y a une volonté de reprendre en main de son temps, on fait du ménage sur son portable. On gère sa présence sur les réseaux sociaux de telle sorte à ne pas y perdre trop de temps, tout en bravant son anxiété à y aller quand c'est nécessaire pour son activité. On redemande les numéros de téléphone de ses amis pour pouvoir les appeler !

Et on se dit : « le cap que je viens de franchir c’est le droit à la déconnexion. »

On découvre, des années après Second Life, des « espaces inédits, propres au virtuel (jeu avec des IA, buzz, développement d'un avatar) ». Il y a de la fascination et de l'attente à l'égard de l'intelligence artificielle. « Mon récit commence par la découverte de Google Home que j'ai acheté pour faciliter mon travail à la maison. J'ai été agréablement surpris de l'intelligence artificielle qu'a cette boîte noire. La chose qui m'a plu, c'est presque le côté humain quelle peut avoir quand elle répond, c'est juste incroyable. » De la fascination, et des craintes, les deux.

Des caps que l'on ne veut pas franchir
 

Chacun voit midi à sa porte pour bien des usages : tandis que certains découvrent des espaces inédits, d'autres refusent de s’engager sur des univers virtuels et de payer avec des NFT. Il y a du refus des métavers et de la réalité virtuelle, soit parce qu'on n'en voit pas l'intérêt, soit parce que ce n'est pas un usage écologique d'internet, soit un mélange des deux.

Tandis que des "lives" se développent, certains les refusent sur le mode « je n'ai pas échappé aux programmes TV à heures fixes pour me redonner des contraintes horaires sur les réseaux sociaux ». On ne veut pas se laisser absorber dans l'abondance des médias.

Tandis que les paiements sans contact se sont développés, certains refusent de payer avec leur téléphone.

Tandis que les usages de la visio se sont développées, il y a du refus d'allumer sa caméra, et différentes pratiques pour ne pas montrer son espace domestique.

Tandis que les publicités sont partout, il y a de plus en plus de refus d'accepter des cookies.

Il y a du refus de mettre ses données sur des clouds.

Et il est un refus essentiel partagé par tous à ce café : ne pas perdre les relations avec les autres. On a besoin de « densité sociale ». Cette formule est d’Hartmut Rosa, sociologue allemand contemporain. « On se donnait tout de même des nouvelles pour beaucoup de moments de notre vie et on s'est rendu compte que l'on connaissait beaucoup de la vie de l'autre sans avoir imaginé une seconde, qu'on pouvait aussi se voir. » On se rend compte de cela, on décide qu'il est temps de se voir, et on se voit.

On ne veut pas être traçable tout le temps, on ne veut pas d'un monde « full control ». On ne veut pas vivre dans un internet tout marchand. « Je trouve horrible que Deliveroo propose d'inclure le pourboire d'un livreur directement dans l'appli : je trouve quand même plus sain de donner une pièce voire un billet à la personne qui me tend un sac de victuailles. »

On refuse de considérer que l'identité civile, c'est l'identité numérique.

La sécurité sous trois angles
 

La sécurité a été abordée sous trois angles à ce café : celui de la protection de ses données personnelles, celui de la protection de son intégrité physique et celui de la sécurité financière.

Sur le premier point, les mots employés sont clouds, cookies, GAFAMS, réseaux sociaux. Il y a une idée globale que nos données alimentent la marchandisation sur le web, un sentiment qu'en tant qu'internautes, nous sommes des cibles de publicités de mieux en mieux ciblées, avouons que nous cédons à certaines d'elles, soit dit en passant. On se sent comme enfermé dans un système marchand. C'est un sentiment général. Il y a en Europe le règlement sur la protection des données personnelles certes, mais on sent que cela ne suffit pas. Alors on se pose ces questions : que peut-on contrôler chacun ? et l'intelligence artificielle dans tout cela : qui décide ? où est mon libre-arbitre ?

Sur le deuxième point, il y a la conscience que l'on peut être physiquement approché, physiquement atteint sur la base de nos traces numériques. Il y a une conscience forte que les communications faites en ligne peuvent avoir des conséquences graves dans la vie réelle. Les écrivains de certains pays le savent bien. Un romancier comme Sabyl Ghoussoub l'écrit dans son tout récent roman Beyrouth-sur-Seine. Dans le domaine de la domotique, un dreamer demande ceci : « il faut respecter certaines limites d'intrusion à la vie privée, genre les caméras qui floutent les enfants dans les enregistrements, comme ça si un pirate vole les vidéos, les enfants ne sont pas exposés ».

Sur les aspects financiers, la sécurité se joue sur la prévention des fraudes sur le compte bancaire, et la ligne mobile. Elle se joue aussi sur le plan monétaire, du côté des cryptomonnaies. Certains les refusent et fuient le jeu de la spéculation, avec la peur de tout perdre.

Vie dans des mondes virtuels, regard porté sur eux
 

Parmi nos participants, il y en a qui utilisent déjà la cryptomonnaie, le web 3.0 et qui spéculent sur des objets virtuels. « Je suis de près plusieurs projets qu'on appelle Play2Earn, Move2Earn, Fight2Earn etc. Je me suis particulièrement passionnée pour l'un d'entre eux car il a impact sur l'environnement dans le monde réel. Lorsque vous achetez un NFT dans le jeu sous forme d'arbre, de vrais arbres sont plantés dans le monde réel par le biais d'une association OneTreePlanted. Ce projet me tient à coeur parce qu'il permet de réconcilier la tech avec l'environnement (...) Aujourd'hui il y a un évènement spécial "le weekend cherry". Spring Game lance une offre spéciale pour pouvoir acheter un arbre cerisier à prix intéressant. » Pour eux, le métavers n’est pas ce qui remplace un monde fini. Nous ne sommes pas dans Ready Player One. Nous pouvons dire que ces joueurs sont des joueurs heureux et bien ancrés.

Il est intéressant de lire qu'ils sont aussi ceux qui font du ménage sur leurs réseaux sociaux, qui redemandent des numéros de téléphones des amis et qui refusent des lives.

Il est tout autant intéressant de lire les arguments de ceux qui refusent d'aller dans ces mondes virtuels. On retrouve les trois points abordés sur la sécurité : la crainte que ce ne soient que des univers marchands, la peur de la violence entre avatars qui pourrait déraper et la peur de la spéculation. On les retrouve en plus des réserves énoncés lors d'un précédent café numérique.

A cela s'ajoute la crainte que la facture énergétique en soit forte. « Nous avons déjà du mal à vivre dans le réel donc pourquoi forcer la réalité virtuelle. Surtout que les problèmes climatiques sont en partie dûs à la surconsommation technologique... Je n'ai pas envie d'être un monde virtuel pour pouvoir voir une forêt ou des espèces animales que l'on a malheureusement fait disparaître. »

Le numérique et l'environnement
 

« Et c'est ma conscience environnementale qui me fait désormais dire qu'il vaut mieux essayer de sauver notre monde réel plutôt que de s'enfermer dans un univers virtuel qui consomme bien trop de ressources pour être viable. »

Comment concilier numérique et environnement ? Comment faire pour ne pas détruire, épuiser davantage ? Est-ce possible ? Chacun a bien en tête l’impact du numérique sur le changement climatique et la course au développement d’outils semble inconciliable avec la problématique actuelle. L’addiction peut aussi rentrer en ligne de compte.

Voici comment se manifeste cette prise de conscience : « Le gros cap que j'ai franchis ces derniers temps (mois ?) c'est d'avoir conscience de mon empreinte carbone, de tenter de faire attention à tout ce que je fais sur internet (stockage inutile par exemple) » « Le gros cap que j'ai franchi pendant les confinements a été de trier mes boîtes mails et supprimer tous les messages obsolètes ou les publicités... Avoir plusieurs milliers de mails non lus était une absurdité écologique. » « J'ai également pris l'habitude de débrancher ma box internet et différents appareils qui restaient auparavant en veille quand je m'absente... La réduction de ma consommation personnelle est légère mais j'imagine la quantité de kWh qu'il serait possible d'économiser par an si la pratique était généralisée. »

Les qualités de l'internet que l'on veut
 

Voici ses qualités du point de vue de nos participants :
il peut être facultatif, pour qui n'en veut pas ou ne réussit pas à y aller,
il est respectueux de la vie privée de chacun, chacune,
il est bienveillant, disons qu'il permet d'être soucieux de son prochain,
il n'impose pas de toujours tout évaluer,
il contrôle les propos haineux et volontairement falsifiés à des fins de faire mal,
il est libre, il ne bloque pas de sites,
il est un espace de liberté pour produire, partager, rencontrer, bidouiller,
il permet de créer des espaces pour innover,
il permet de créer de nouvelles opportunités économiques,
il est volontaire,
il est vrai,
il est économe en énergie,
il prend en compte la diversité des sensibilités,
on ne doit pas s'y sentir en posture de consommateur porte-monnaie sur pate,
les influenceurs y ont moins de place qu'ils n'en ont aujourd'hui,
il est souverain, au sens général d'indépendant, autonome.

Un participant résume ces qualités ainsi : « deux familles, également passionnantes : quand internet nous raccroche plus fort encore au monde "réel" ; quand il nous ouvre des espaces inédits ».

Ce que l'on attend d'un opérateur comme Orange
 

« Il y a un opérateur comme Orange, et puis les GAFAM et les Etats ; on attend du tiers neutre qu'il endosse de sérieuses responsabilités. »

Entre les GAFAMS : un opérateur comme Orange doit être transparent sur ce qu'il fait de nos données personnelles, il doit assurer une bonne protection contre des cyberattaques.

Et les Etats : il y a des Etats qui porte atteinte aux libertés personnelles, un opérateur comme Orange trouve sa place de valeur refuge, de valeur sûre sur ce point, et ceci quelque soient les univers du web, du web 1.0 au web 3.0 qui cohabitent. Lors du café, nous avons partagé un extrait du roman Beyrouth-sur-Seine dans lequel l'auteur raconte qu'en octobre 2019, le gouvernement a voulu taxer WhatsApp, ce qui a poussé les Libanais à descendre dans la rue. Voici une des réactions au partage de cet extrait : « Si le gouvernement taxe WhatsApp, c’est le signe de sa mainmise sur les communications et donc de son emprise sur elles. Il accède au nombre de communication, leur fréquence… Il y a là un gros problème de liberté d’expression et de vie privée puisqu’on ne dit plus les mêmes choses si le gouvernement y a accès. Dans ces pays révolutionnaires, le feu est vite mis aux poudres lorsque l’on touche les libertés si durement acquises. » Un participant ajoute : « Il existe des dizaines de pays où l'Etat veut encore contrôler les habitants et leurs consciences, en les empêchant de communiquer librement ou en contrôlant leurs conversations. La contrepartie de la liberté de conscience et de communication est un prix lourd à payer dans les dictatures (fermeture de journaux, arrestations, détentions arbitraires, exil). »

Des propos qui entrent en échos avec des dialogues avec des parties prenantes dans différents pays où Orange est présente.

Revenons sur ces deux qualités : « quand internet nous raccroche plus fort encore au monde "réel" ; quand il nous ouvre des espaces inédits », peut-être est-ce à cet aune que nous pouvons considérer l'engagement dans des nouveautés du web aujourd'hui en gardant en tête qu'il y a un besoin de simplicité, de proximités, d'expériences vraies et concrètes. « Ce dont je rêve, c’est qu’un opérateur comme Orange propose un espace internet, mais avec une plus grande modularité dans la conception de nos espaces personnels et une gestion plus éthique de nos données. Orange pourrait aider en rendant plus visible les informations que nous partageons, en nous donnant la possibilité de changer des paramétrages facilement, en nous guidant et en nous conseillant. »

 

Autrices de cette synthèse : Boucledor, Enora, Rosario, également animatrices de ce café numérique

Et depuis ?